Sous la plume de Baudelaire, un mot colle au mieux à l’air du temps : « Qu’est-ce que c’est que cette morale prude, bégueule, taquine, et qui ne tend à rien moins qu’à créer des conspirateurs même dans l’ordre si tranquille des rêveurs ? ». Nous sommes en 1857. Le recueil des Fleurs du mal est enfin livré au public. Un article de presse met le feu aux poudres en le qualifiant d’ « hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur ». Démarre alors l’un des procès littéraires les plus célèbres sous le doigt accusateur d’Ernest Pinard (déjà en guerre contre Madame Bovary). Eh bien oui, notre époque est bégueule. Alors même que le pousse à jouir bat son plein, rien n’est plus tendance que se donner des airs de vertu, s’ériger en grande conscience, s’indigner (sexualité, affaires, capitalisme…) et inciter au bio et au High Tech bien conformes bercés par les bras du surmoi, « pavlovisation générale, haine de soi et intimidation » résume Sollers. Le problème est que la jouissance « on ne sait pas jusqu’où ça va » (Lacan), elle conduit le sujet à l’autodestruction. Que l’on relise, durant ce long été sans Bulletin Uforca UPJL, le conte savoureux de Voltaire, La Bégueule, qui fait résonner ce réel en jeu….
« Dans ses écrits, un sage italien Dit que le mieux est l’ennemi du bien ; Non qu’on ne puisse augmenter en prudence, En bonté d’âme, en talents, en science ; Cherchons le mieux sur ces chapitres-là ; Partout ailleurs évitons la chimère. Dans son état, heureux qui peut se plaire…. ».