Ne pas opposer l’arbre vert de la clinique à la grisaille de la théorie,…revenir au mode singulier avec lequel Freud a forgé les concepts fondamentaux de la psychanalyse. Ils ont en toute rigueur, nous dit-il, le caractère de conventions scientifiques : une indétermination, une référence à l’expérience, mais au sens où le matériel leur est soumis.
Concept vide ou incomplet en somme, auquel il s’agit progressivement de donner un contenu. En exhibant le terme freudien de Konvention – préférable à celui de mythe, selon lui, Lacan nous invite à relire Jeremy Bentham pour sa notion féconde de fiction. Si le langage permet de parler de ce qui n’existe pas, Bentham, distinguant le fictif du fabuleux, réserve le terme de fiction à «l’affabulation du discours comme tel : je ne peux m’exprimer sans substantiver, [.] sans produire des entités irréelles mais indispensables» (Miller J.-A, «Le despotisme de l’utile»).
Il ne s’agit donc pas de dénoncer les fictions nécessaires, mais plutôt, selon Bentham, de les paraphraser. Lacan aussi récuse tout nominalisme : ne chassons pas les fictions ! Avec des mots, dans leur radicale contingence, on peut agir sur les choses. Un concept est donc utile «s’il trace sa voie dans le réel qu’il s’agit de pénétrer» (Lacan, Sém. XI, p.149.). C’est bien parce que nous sommes condamnés aux concepts incomplets, «à la pensée approximative» (Jam), que nous devons maintenir un pied vers le mathème, et l’autre dans le bien dire.